Inceste et emprise du père sur sa fille: Témoignage SIA

J’ai connu SIA une nuit en tapant « inceste, viol » sur internet.

J’étais à bout. Le déni ne marchait plus sur moi. Je devais enfin affronter ce qui m’était arrivé que j’avais oublié.  Sur le site des services mondiaux des Survivants de l’Inceste Anonymes (en anglais, le siawso) j’ai découvert qu’il existait des réunions en France. J’ai commandé et lu tous les textes SIA, pendant un mois, en pleurant.

Ensuite j’ai été en réunion, à 80 km.

J’étais intimidée. J’avais amené une minuscule peluche que je serrais en secret sur mes genoux. Des femmes et des hommes parlaient. Chacun avait subi des agressions sexuelles, attouchements, viols dans l’enfance, des gestes incestueux par des membres de leur famille ou leur entourage. Je les comprenais, je reconnaissais la peur, le chagrin, la colère, l’amertume : c’étaient les miennes. Même si c’était dur, j’y suis retournée. Après j’ai été dans des réunions en ligne. Je sentais que c’était là que je pourrais commencer à me rétablir. Pourtant, je n’avais presque de souvenirs d’agressions, et je n’étais même pas sûre à 100% que j’étais concernée. Mais alors, comment expliquer que chaque mot sonnait vrai pour moi ? Je me suis accrochée à cette pensée rationnelle pour avoir le courage de continuer.

Rapidement, j’ai commencé à avoir des résultats.  Je comprenais enfin ma souffrance, je me réconciliais avec moi-même, je découvrais celle que j’avais été enfant. Je voyais enfin ma famille et mon abuseur (mon père) sous un nouveau jour, le véritable. Une famille malade, dysfonctionnelle, brisée, un père dangereux, déséquilibré, obsédé par sa fille affectivement et sexuellement.

Mes premiers souvenirs d’attouchement direct remontent à mes 8 ans.

Ensuite, vers mes 11 ans, j’étais brisée, et après c’était fini, j’étais complètement sous son emprise. Je croyais qu’il m’aimait, qu’il me préférait, qu’il m’adorait. Il me traitait comme une maîtresse, me faisait des confidences, m’offrait des cadeaux de femme adulte comme des bijoux, de la lingerie, il faisait des photos de moi. Et en plus, il avait de l’argent, de la prestance, des relations. Il aimait être au centre de tout, adulé, admiré. Moi j’étais terriblement conditionnée. Des amis ont dit à ma mère que c’était bizarre notre relation, que c’était « trop ». Elle ne voyait rien. Elle était jalouse, hostile envers moi et lui, sans y réfléchir, sans tirer de conclusions. Cela a duré jusque très tard, ma vingtaine.

Quand des abus sexuels directs avaient lieu, je les oubliais,

Ainsi que tout ce qui se passait à la maison. En effaçant tout, j’avais pu me cacher le pire. Sauf que j’allais très mal. Mes premiers symptômes ont été le repli sur moi, les hallucinations visuelles, auditives, tactiles, et les cauchemars. Puis des insomnies : terrifiée de m’endormir. Douleurs au ventre aussi, de l’asthme, mes mains et mes pieds couvert de verrues, de l’eczéma. Je suis devenue très superstitieuse , je me suis mise à prier, j’avais peur de tout. L’espoir que quelqu’un me sauve! J’avais la conviction que personne ne voudrait jamais de moi, personne ne m’aimerait. J’avais honte, je me répugnais.

Je suis devenue subitement le souffre-douleur d’enfants violents. C’était comme une marque invisible sur mon front qui disait «  Je ne me défendrai pas, j’ai trop peur. Tu peux faire que tu veux avec moi ». Ensuite, j’ai croisé beaucoup de gens maltraitants, et je ne pouvais pas les écarter de ma vie, je n’avais pas la force. Et puis, je n’étais pas vraiment là, j’étais «déconnectée», je ne ressentais pas grand chose, je ne réfléchissais pas à ce qui se passait dans ma vie. Je la subissais.

Tout cela, j’ai pu le revisiter grâce à SIA.

Le dire, le pleurer, en sécurité. Dans les réunions en ligne, et avec des amis des SIA bien choisis avec qui je pouvais partager les détails honteux, les doutes, la colère, les questions. Après un an, j’ai levé le secret auprès de ma mère, puis de mon frère. pas vraiment surpris, mon frère savait ce que j’allais lui dire. Ils m’ont cru, mais n’ont pas pu me soutenir. Mes proches ramenaient tout à leur propre souffrance, leur sentiment de culpabilité. Ils ne voulaient pas y penser. L’inceste était véritablement tabou. Heureusement que j’avais SIA pour en parler, au moins une fois par semaine, et les appels téléphoniques avec d’autres survivants pour me soutenir !

J’ai finalement posé un acte majeur de rétablissement, j’ai « rompu » avec mon abuseur. Par e-mail. Il a répondu, en 5 minutes, ne pas comprendre, et accusé réception de ma décision, a signé « Cordialement ». 2 petites lignes, et  il ne m’a plus jamais recontactée à ce jour ni fait mention de moi (cela fait 7 ans). Ce choix de survie a été rude. Mon père me conditionnait pour être à lui, c’est ainsi que je suis devenue dépendante. C’est comme si j’étais une esclave qui avait décidé de s’affranchir elle-même. Le prix de cette liberté, je ne l’ai jamais regretté, mais j’ai beaucoup pleuré mes regrets de ne pas avoir eu de vrai père pour me construire…Cela ne sera jamais remplacé, c’est un immense deuil.

Aujourd’hui, j’ai une belle vie, même si j’ai des défis à relever tous les jours.

J’ai vécu pas mal d’aventures au sein de SIA ; et j’ai commencé à enfin à me construire. À 37 ans, je suis plus joyeuse. j’ai des amis véritables. J’ose travailler, assumer un peu plus ma sexualité, rester digne. j’ai recouvert la santé mentale: je ne me sens plus folle, même si je reste vulnérable. Je me sens en sécurité un peu plus chaque jour. Plus forte aussi. C’est un grand cadeau. Une force me guide et me soutient au quotidien. Ce n’est pas facile de le dire, car la foi et la spiritualité c’est très intime pour moi, mais c’est grâce à cela que je me suis rétablie, je me dois d’en témoigner. Merci.



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